Je fabrique un humain – Épisode 2 : Qu’est ce qui m’arrive ? Partie 1.
- Perrine Ory
- 23 avr. 2024
- 6 min de lecture
Être enceinte, ça n’a pas été ma plus grande réussite. Non, vraiment. J’ai détesté ça les 99% du temps (les 1% qui restent correspondent au pouvoir de doubler dans les files d’attente.) et c’est évident que mes articles vont s’en ressentir.
Alors si vous êtes venus ici pour lire le bonheur absolu et la magie féerique que c’est de donner la vie, vous allez être déçue. Parce que pour moi, la grossesse, c’est nul.
Pour être honnête, il n’y a pas un moment dans ma vie où je me souviens de m’être imaginée maman. Je me suis peut-être vue avec une famille, un dimanche au coin du feu, mais je ne me suis jamais représenté ce que ça pourrait être, d’avoir un petit humain.
Même en apprenant que j’étais enceinte, il m’a fallu plusieurs mois pour réaliser un petit peu. Et aujourd’hui qu’il est là, je ne prends toujours pas la pleine mesure de la responsabilité qui m’incombe maintenant.
Mais ce qui est sûr, c’est que je n’imaginais pas à quel point ce serait dur.
Ben oui, parce que faire des enfants, il n’y a rien de plus naturel, finalement. C’est un truc que les femmes font depuis la nuit des temps, et certaines à des époques quand même vachement moins sympatoches que la nôtre.
On en voit pleins, des femmes enceinte. Même des hommes, il paraît. Et ça n’a jamais l’air bien compliqué, quand ça arrive aux autres. On les regarde à peine, elles font partie du décor. Certains détournent même leur regard quand ils les voient derrière eux dans la file de caisses du Cora. Elles sont invisibles, tellement c’est banal, d’être enceinte.
Oui mais voilà, quand ça vous arrive à vous, ça change tout.

Avant de s’attaquer à votre corps, la grossesse, ça vous change l’état d’esprit.
Vous êtes enceinte. Vous portez la vie. Vous avez un petit machin qui vous pousse dans l’utérus.
Il y en a pour qui c’est facile dès le départ. Elles ont attendu ça toute leur vie, elles connaissent probablement déjà le futur prénom, et elles savent déjà à peu près tout ce qu’il y a à savoir sur l’accouchement naturel sans péridurale, dans un aquarium ou dans un champ de maïs, et ont déjà visité tout un tas de crèches Montessori, pour anticiper.
Et puis il y a moi. Qui pense que l’aménorrhée, c’est une espèce d’araignée venimeuse, qui n’a jamais entendu parler de placenta ailleurs que dans un documentaire animalier, et qui se demande très sérieusement si elle ne pourrait pas accoucher sous anesthésie générale.
Ça vous plante le décor de mon niveau d’investissement affectif dans la maternité, avant de tomber enceinte.
Autant dire que je n’étais pas DU TOUT préparée au tourbillon mental que j’allais me manger en pleine tête.
Et commençons par parler des petites merveilles qui font de vos journées un conte de fées, roulement de tambouuuur…les HORMONES.
Sa mère la pute.
Oui je sais maman, je suis vulgaire, mais c’est globalement tout ce que ça m’inspire. Les hormones, c’est ce qui change votre corps. Mais pas que, sinon ce serait trop facile. Pour celles qui ont des syndromes prémenstruels de l’enfer (comme c’était le cas pour moi), vous savez de quoi je veux parler.
Tant que vous ne vous êtes pas retrouvée à chialer toutes les larmes de votre corps devant une vidéo d’un chiot ami avec un canard, vous n’avez pas pleinement fait l’expérience de la modification hormonale de la grossesse (mais quand même, il se baladait avec le caneton sur le dos, c’est excessivement mignon.).
Chez moi, c’était tout ou rien. J’aimais tout, ou je n’aimais rien. J’étais pleine d’énergie, ou une vieille loque à moitié mourante sur mon canapé. J’étais folle amoureuse de mon mec, ou j’avais envie de lui arracher les yeux à la petite cuillère.
Et ça, durant la quasi-totalité de ma grossesse.
J’ai eu des périodes magiques, où j’étais ultra active, sociable, heureuse et rayonnante. Et puis les jours suivant j’étais une zombie, agoraphobe, au fond du trou. Et c’est là toute l’importance de ne pas sous-estimer le rôle et les difficultés que peuvent rencontrer les conjoints. J’en parlerai probablement plus tard, mais dans mes pires moments, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans D. Les femmes qui font face, seules, à une grossesse, mérite la coupe du monde. Vraiment.
Les hormones, j’en rigole comme ça, mais ce n’était vraiment pas facile à vivre. J’avais l’impression de ne plus me reconnaître parfois. J’étais incapable de maîtriser mes émotions, même quand je savais que je réagissais excessivement. Ne pas avoir le contrôle sur moi-même, ça ne m’a pas du tout plu. Et aujourd’hui, en plein post partum, je n’ai toujours pas récupéré pleinement la maîtrise de mon état d’esprit.
Ce que j’ajoute à ça, c’est à nouveau ce sentiment d’inquiétude persistant. Vraiment, j’avais tout le temps une espèce de peur sourde qui parasitait toutes mes pensées. Cette peur, universelle, de perdre mon bébé. Ne me demandez pas pourquoi, parce que tout allait bien. Mais souvent, je me demandais si c’était vraiment le cas. Surtout les premiers mois, pendant lesquels je ne le sentais pas bouger.
Une fois qu’il avait commencé à danser la salsa dans mes entrailles, c’était plus simple de se rassurer à ses mouvements. Mais quand même, la peur a toujours été là. Et ne m’a jamais quittée depuis.
Évidemment, la grossesse, ça vous chamboule la tête, mais ça à un impact encore plus flagrant sur une autre partie de vous, nettement plus visible : votre corps.
Alors, qu’on se le dise tout de suite. Que toutes les connasses qui m’ont affirmé que je ne serais jamais plus belle de ma vie qu’enceinte aillent se coller les fesses nues sur une chaise en plastique restée en plein soleil.
Les beaux cheveux. Le teint éclatant. Les ongles longs. La peau lumineuse… Ça n’a pas du tout été mon cas.
Déjà pour moi, ça a sonné le retour de l’acné. Pendant un long moment, les années collèges ont refait un come-back fracassant sur mon visage. Ça a fini par s’atténuer en fin de grossesse, quand elles ont finalement été remplacées par des cernes jusqu’au menton.

Mes cheveux, eux, devenaient gras tous les 2 jours, peu importe la manière dont je les lavais.
Pour ce qui est du reste de mon corps, j’ai quand même eu de la chance.
Déjà, mon ventre n’est apparu qu’au bout de 5-6 mois. Avant, personne n’aurait deviné que j’étais enceinte. Que j’avais mangé une bonne raclette, tout au plus.
En tout, j’ai dû prendre 12 kilos pendant ma grossesse. Je pense que le fait d’avoir passé une bonne partie du temps à vomir m’a globalement aidée à ne pas prendre 20 kilos.
Mais clairement, même si je n’ai pas pris tellement de poids, ça a quand même été très dur de voir mon corps changer.
Comme la plupart des femmes, et certainement une bonne partie des hommes, je n’ai pas toujours été très à l’aise avec mon corps.
Il m’a fallu des années pour l’accepter, et arrêter d’éviter les miroirs. Je suis même parvenue à l’aimer vraiment, à en être fière, et à le mettre en valeur.
Si récemment, les confinements l’avaient déjà pas mal éprouvé, la grossesse a été une épreuve particulièrement difficile.
Notamment parce qu’avec la magie des réseaux sociaux, vous passez votre temps à voir des femmes enceintes avec une peau lisse, un ventre tout rond sans aucune marque, et le reste du corps aussi mince qu’avant. Même les mannequins sur les sites de vente de vêtements de grossesse font toujours une taille S.
Laissez-moi vous dire, ce sont des menteuses.
La grossesse, ça bouleverse votre corps. Ça arrondit votre ventre. Ça change l’aspect de votre peau. Ça élargit vos hanches. Ça gonfle votre poitrine (et si ça parait génial, croyez-moi que ça ne l’est pas toujours). Ça gonfle même tout votre corps en fait.
Et vous savez quoi ? C’est normal.
C’EST NORMAL.
Que vous vous battiez avec votre corps ou pas pendant cette période, ça ne l’empêchera pas de changer.
Les crèmes anti-cellulites, les huiles anti-vergetures, les régimes spéciaux et autres conneries ne feront pas de différence. Votre corps va changer et rien de l’arrêtera.
Et le pire dans tout ça ? Il n’y a aucune règle. Et encore moins de justice. Certaines prendront 7 kilos quand d’autres en prendront 30. Certaines feront tellement de rétentions d’eau qu’elles seront cantonnées aux bas de contentions pendant 9 mois, quand d’autres garderont des jambes de biches. Les cheveux, la peau, les kilos…Vous aurez beau prévoir tout ce que vous voulez, vous ne saurez pas l’impact qu’aura une grossesse sur votre corps, tant que vous ne serez pas enceinte.
Alors tout en étant loin d’être une experte de la maternité, laissez-moi vous donner un conseil : ne luttez pas. Acceptez qu’il y ait un avant et surtout un après. Acceptez que peut-être, vous ne serez physiquement plus tout à fait la même. Mais surtout, surtout, ne vous imaginez pas que vous allez forcément prendre des tas de kilos, être pleine de vergetures ou avoir les doigts comme des knackis, parce que vous pourriez bien être surprise.
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